Le climat océanique tempéré du vignoble girondin (situé sur le 45ème parallèle) nous permet de produire des grands vins mais favorise aussi le développement de nombreux parasites de la vigne. Quel que soit le mode de production (raisonnée, biologique, biodynamique, ...), il est nécessaire de la protéger de ces maladies qui peuvent entraîner des pertes de récoltes. Au-delà de cet enjeu, il est nécessaire de réduire l’utilisation de pesticides et le travail est engagé à Bordeaux depuis 1990.

Des solutions de réduction des pesticides existent grâce à l’innovation, la multiplication des réseaux d’observation, la diffusion de bonnes pratiques et leur mutualisation.

1. DES OUTILS D'AIDES À LA DÉCISION DÉJÀ EN LIGNE

a. Une veille du vignoble grâce à la modélisation des maladies

Dès 1992, la filière des vins de Bordeaux a travaillé à l’élaboration d’une modélisation fine des maladies aux côtés de l’IFV (Institut Français de la Vigne et du Vin). Cette information est en ligne sur le site réservé aux professionnels de la filière sous forme cartographique.

b. Des prévisions météorologiques

Un suivi météo permet également aux vignerons de raisonner au mieux leurs interventions en fonction notamment du vent, des pluies, de l’ensoleillement…

c. Des outils d’aides à la décision

L’outil Optidose® (outil de l’IFV) propose une adaptation de la dose aux paramètres de la culture (développement végétatif, stade phénologique) et au risque de développement épidémique toujours évalué à l’aide de ces modèles de prévision. Véritables outils d’aide à la décision, ils permettent une réduction sensible des interventions phytosanitaires sur l’ensemble des quantités de traitements.

d. Le calcul de l’indice de fréquence de traitement (IFT)

L’IFT est un indicateur de suivi de l’utilisation des produits phytosanitaires à l’échelle d’une exploitation ou d’un groupe d’exploitations. Il comptabilise le nombre de doses homologuées utilisées par hectare au cours d’une récolte. Cet indicateur peut être calculé pour un ensemble de parcelles, une exploitation ou un territoire. Il peut être décliné par grandes catégorie de produits. Plusieurs ODG (Organismes de défense et de gestion) ont d’ores et déjà rendus obligatoires dans leur Cahier des Charges l’enregistrement des IFT sur chaque exploitation.

2. L'UTILISATION DE PRODUITS ALTERNATIFS AUX PESTICIDES 

Le biocontrôle est un ensemble de moyens de protection de la vigne basé sur l’utilisation de mécanismes naturels. Seules ou associées à d’autres moyens de protection des plantes, ces techniques sont fondées sur les mécanismes et interactions qui régissent les relations entre espèces dans le milieu naturel. Ainsi, le principe du biocontrôle repose sur la gestion des équilibres des populations d’agresseurs plutôt que sur leur éradication.

 a. La méthode de la confusion sexuelle

Les tordeuses de la grappe sont des petits papillons qui engendrent des pertes de récolte et le développement de la pourriture grise par les trous et blessures des baies qu’ils occasionnent. La technique de confusion sexuelle perturbe l’accouplement de ces papillons par la diffusion de phéromones, molécule émise par la femelle pour attirer le mâle. Le coût de cette technique et les conditions de mise en place limitent encore son emploi à plus grande échelle.

b. La lutte biologique

On parle de lutte biologique lorsque des prédateurs naturels deviennent des alliés de choix pour combattre certains insectes sur les exploitations, comme les chauves-souris qui mangent les tordeuses de la grappe. Un autre exemple, les acariens, sorte de petites araignées, étaient auparavant traités par des acaricides. La mise en place de conditions favorables à leurs prédateurs naturels (acariens typhlodromes), par l’emploi de produits neutres pour eux ou par leur introduction au vignoble, ont permis d’éliminer le recours à ces produits pour l’essentiel du vignoble.

Nous avons mis en place un outil en ligne de suivi des colonies de chauves-souris.

3. LE CHOIX DES MOLÉCULES 

Tous les produits phytosanitaires utilisés sont autorisés et évalués par les pouvoirs publics, avec des conditions d’emploi adaptés aux risques. Il n’en demeure pas moins que les choix des vignerons  s’orientent de plus en plus vers les produits présentant les meilleurs profils (non CMR, cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques)

Une base de données des produits phytosanitaires permet de choisir les produits de traitement les mieux adaptés (pas de CMR, priorité au biologique…) pour une cible en particulier (ex. mildiou) afin d’affiner ensuite le choix selon d’autres critères techniques ou réglementaires (ex. délai de rentrée sur la parcelle…).

Un principe d’évitement des pesticides classés CMR

Les viticulteurs bordelais sont les premiers concernés par la dangerosité des produits qu’ils utilisent. L’interprofession du vin de Bordeaux invite à éviter l’utilisation dans la vigne de produits contenants des agents cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR). Une liste de produits alternatifs est en ligne sur le site professionnel (accès réservés aux membres de la filière). L’objectif est de se passer définitivement de ces produits et il est demandé que des solutions alternatives soient développées par les firmes agrochimiques avec l’accord de l’État.

Entre 2014 et 2016, le vignoble de Bordeaux a divisé par deux l’utilisation de pesticides classés CMR, soit -55% en trois ans.

La filière a la volonté de réduire fortement voire de supprimer l’utilisation des pesticides. Cette transformation prend du temps et les alternatives qui sont peu à peu mises en place aboutissent à d’excellents résultats.

4. LE PLAN POUR ACCÉLÉRER LA RÉDUCTION DE L'USAGE DES PESTICIDES 

En juillet 2016, le Conseil régional Nouvelle-Aquitaine, la Préfecture de région, les Chambres d’agriculture et le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) se sont unis pour élaborer ensemble une stratégie ambitieuse d’actions collectives afin de réduire durablement l’usage des pesticides dans le vignoble bordelais.

Ce plan volontariste vise à accélérer la dynamique d’appropriation et de diffusion des innovations en matière de protection des cultures. Le plan s’articule ainsi autour de 4 axes prioritaires :

  • Surveiller l’évolution des pratiques et l’exposition des populations aux pesticides en mettant en place une synergie puissante entre les acteurs publics et privés autour des données relatives aux produits phytosanitaires et à leurs usages.
  • Généraliser les bonnes pratiques en matière d’utilisation des pesticides et accélérer l’effet démultiplicateur des démarches environnementales collectives.
  • Financer l’innovation en matière d’agro équipement et de nouvelles technologies afin d'amener vers une viticulture de précision et connectée.
  • Anticiper la recherche de solutions alternatives aux pesticides et placer le vignoble de Bordeaux comme référence internationale en matière d’innovation sur la réduction des pesticides.

5. RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT

A moyen terme, le CIVB investissons également dans la Recherche & le Développement afin de développer du matériel de traitement plus intelligent et plus fiable. A long terme, le programme de recherche sur les cépages résistants aux maladies offre de belles perspectives. Le CIVB investit environ 400 000€ par an (1/3 du budget R&D) au soutien de recherches et travaux pour la réduction de pesticides et l’adaptation des pratiques.