Vincent Quirac, un vagabond devenu vigneron
PORTRAIT
octobre 13, 2017

Vincent Quirac, un vagabond devenu vigneron

Au bord de la Garonne, Vincent Quirac prend l’air. Les vendanges sont finies depuis une semaine, il laisse désormais l’automne revêtir les vignes de ses nuances. “J’aime la douceur de l’automne. Elle est bienvenue après les chaleurs fatigantes de l’été”.Depuis petit, Vincent se souvient de l’arrivée de la saison rousse. A l’époque, il habitait en Basse-Navarre, à Saint-Palais. “Tous les jours, je voyais les Pyrénées se découper au loin, cela m’a marqué… Et ça explique sans doute la suite de ma vie”.

Depuis petit, Vincent se souvient de l’arrivée de la saison rousse. A l’époque, il habitait en Basse-Navarre, à Saint-Palais. “Tous les jours, je voyais les Pyrénées se découper au loin, cela m’a marqué… Et ça explique sans doute la suite de ma vie”.

Car oui, avant de devenir vigneron, le jeune Vincent a passé près de vingt ans à parcourir les horizons montagneux et désertiques. Il est allé partout. Loin de tout.“A 20 ans, j’ai acheté une vieille Peugeot que j’ai conduite jusque dans le Sahara algérien, afin de la revendre sur place. De quoi financer ce premier voyage… c’était une révélation”. L’homme aux semelles de vent a la bougeotte. Il part à l’aventure en tant que guide. Il y a eu bien sûr le Sahara qu’il finit par connaître comme sa poche, puis les anciennes républiques d’URSS en Asie centrale (le Kazakhstan, le Turkménistan, l’Ouzbékistan … ). Malgré tout, ses “plus grandes folies” restent le sultanat d’Oman et le Yémen.

Entre temps, Vincent Quirac revient à Bordeaux près de ses proches. “J’y retrouvais mes amis, ma famille, mon logement, mais ma vie était en pointillé. J’étais presque devenu nomade. Je passais plus de temps avec les chauffeurs yéménites qu’avec mes amis bordelais.”Jusqu’à ce fameux 11 septembre 2001 qui fait trembler le monde entier.Vincent a près de quarante ans.

Il avait troqué depuis peu sa boussole contre un poste fixe. “Je travaillais la semaine à Paris dans une agence de voyages et revenais le weekend à Bordeaux pour retrouver mes deux jeunes fils”. Mais cette vie de bureau, loin des horizons, aurait tôt fait de l’ennuyer. “Alors, quand le tourisme s’est effondré suite aux attentats à New York, j’ai sauté sur l’occasion : j’ai quitté mon boulot”.

Le voilà à Bordeaux, le coeur léger mais l’avenir flou. “J’ai hésité à me lancer dans l »ostréiculture car j’avais une cousine qui revendait son parc à huîtres, puis j’ai entamé une formation de pépiniériste”. Mais rien ne l’accroche. Vincent se souvient d’un copain d’enfance, Patrice Lescarret “sans doute l’un de meilleurs vignerons d’aujourd’hui”, propriétaire du domaine de Causse Marines à Gaillac. “Je suis allé le voir, on a discuté, et cela m’a plu. Il m’a donné l’assurance de m’aider à me lancer. Voilà comment le vin m’est tombé dessus”.

S’en suit un bac pro viticulture-oenologie, un stage d’un an en alternance dans le domaine de son ami Patrice, puis cinq années en tant qu’ouvrier viticole. “Une expérience formatrice, mais la hiérarchie n’est vraiment pas mon truc… alors j’ai décidé de me lancer à mon compte, seul et sans terre. Je suis retourné voir mon pote Patrice et il m’a dit : ‘Ok je te suis’”.Et le voilà parti. De presque rien.

Avec guère plus de 5000 euros en poche, Vincent Quirac prend en fermage un hectare de Sauternes du côté de Preignac, un hectare de rouge dans l’appellation Graves et loue un chai à Pujols-sur-Ciron. “J’ai toujours été fou de vin sucré, alors cette parcelle de Sauternes est tombée à pic. Et pour le rouge, j’ai choisi des vignes à proximité : dans les Graves”. Au fil du temps il a appris à connaître ses sols et ses raisins jusqu’à produire aujourd’hui un vin naturel, avec très peu d’intervention sur les vignes et aucune dans le chai. “Il suffit d’avoir des raisins magnifiques … et pour ça tout le boulot se fait la main à la terre. Il faut beaucoup de travail. Et de patience !” lance-t-il dans un éclat de rire.

La première cuvée de son vin, le Clos 19 bis, séduit un voisin qui en parle autour de lui, la mayonnaise prend, et le voilà lancé. “Aujourd’hui, la production est ridicule, je fais à peine 5000 bouteilles par an, c’est rien. Mais je ne veux surtout pas agrandir, il faut que ça reste un plaisir…”

Ainsi depuis quinze ans, le vagabond semble avoir pris racine ici, au milieu des vignes de Gironde. Et même si les deniers se font rares, il n’imagine pas une autre vie. “J’ai l’indispensable : la liberté, la nature, le temps.”Fin septembre au moment des vendanges, il a réuni une bande de vieux copains pour lui prêter main forte. Ou plutôt, main délicate, attentive, précise. “On ramasse tout doucement, on observe chaque grain, on nettoie chaque grappe…”

Ralentir le rythme pour faire venir l’hiver, et déguster ensemble la cuvée de l’an passé, avant la prochaine.

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